Armées

Analyse des déclarations du général Fabien Mandon et situation actuelle de l’armée française

Régis Ollivier – Le 22 octobre 2025

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J’ai lu avec intérêt les propos du chef d’état-major des Armées français, le général Fabien Mandon puis, pour mon information personnelle – car je ne suis pas stratège dans ce domaine – j’ai demandé à Koïos, mon Intelligence Augmentée, de m’analyser ce texte à partir d’un court dialogue avec lui. J’ai pensé que cette analyse serait susceptible d’intéresser les initiés et les non-initiés. Bonne lecture..//RO

Je vais analyser les déclarations du général Fabien Mandon et la situation actuelle de l’armée française en recherchant des sources récentes sur la préparation militaire, le budget de défense et la perception de la menace russe. Je consulte des articles fiables pour comparer la taille et les capacités des forces françaises et russes, tout en examinant la question dans le contexte de l’OTAN et des alliés européens. Je reviendrai avec une analyse complète et sourcée.

Le texte du Figaro (reproduit par de nombreux médias) reflète une prise de conscience au sein des armées françaises : le chef d’état‑major des Armées, le général Fabien Mandon, estime que la Russie pourrait vouloir étendre sa guerre « sur notre continent » et demande que les forces françaises soient prêtes « à un choc dans trois, quatre ans » cnews.fr. Pour lui, la perception d’une Europe « collectivement faible » encourage Moscou ; il juge donc essentiel d’accroître le budget de la défense (57,1 milliards d’euros en 2026, soit 2,2 % du PIB cnews.fr) afin de montrer de la détermination et, ainsi, de dissuader une agression cnews.fr.

Une armée française volontairement réduite

Depuis la professionnalisation des armées en 1997, le service national est suspendu et remplacé par une simple journée de sensibilisation à la défense fr.wikipedia.org. Les effectifs ont fortement diminué : en 2023, l’ensemble des forces armées françaises compte environ 201 300 militaires d’active et 62 300 personnels civils fr.wikipedia.org. L’armée de terre ne dispose que d’environ 110 000 militaires d’active, auxquels s’ajoutent 8 000 civils et 26 000 réservistes defense.gouv.fr ; elle ne possède qu’une centaine de chars Leclerc (225 véhicules blindés chenillés) et 79 canons CAESAR defense.gouv.fr. Ces chiffres illustrent une force expéditionnaire compacte, capable de déployer des bataillons ou des brigades, mais pas un front de centaines de milliers d’hommes. Un rapport récent de l’Institut français des relations internationales souligne que, à force de réductions d’effectifs, « les armées européennes se sont habituées à compter leurs déploiements en centaines d’hommes, au mieux en milliers (brigade) », alors qu’un corps d’armée, nécessaire pour une guerre de haute intensité, requiert 40 000 à 120 000 soldats ifri.org. Aucun pays européen ne peut aujourd’hui armer seul un tel corps d’armée ifri.org ; la France vise à reconstituer une capacité de niveau corps d’armée vers 2030 grâce au renfort de ses réserves et à une coopération renforcée avec ses alliés ifri.org.

Écarts de puissance avec la Russie

La Russie conserve un avantage numérique considérable. En septembre 2024, Vladimir Poutine a ordonné d’augmenter l’effectif des forces russes à 2,38 millions de personnes, dont 1,5 million de militaires actifs reuters.com, ce qui placerait l’armée russe au deuxième rang mondial après la Chine reuters.com. Cet effectif est déjà plusieurs fois supérieur au total des militaires français (201 000). De plus, le Kremlin a mobilisé plus de 300 000 réservistes en 2022 et continue de recruter des volontaires reuters.com. Le ministre français rappelle cependant que l’Europe dispose d’atouts économiques et démographiques bien supérieurs : selon des données comparatives, l’Union européenne (450 millions d’habitants) et ses partenaires totalisent un PIB d’environ 17 900 milliards € contre 2 000 milliards € pour la Russie donneesmondiales.comindexmundi.com. Si ces ressources étaient mobilisées, le rapport de forces industriel et financier serait en faveur des Européens. En matière d’armement, cependant, la Russie a su relancer massivement sa production, tandis que l’Europe peine à coordonner la sienne : un rapport du Royal United Services Institute constate que la Russie a mis en œuvre un plan de mobilisation industrielle tôt dans la guerre, alors que l’Europe manquait de plan et de connaissance de ses chaînes d’approvisionnement, rendant les investissements inefficaces rusi.org.

La dissuasion et les alliances, piliers de la sécurité française

La France n’est pas seule. Elle s’appuie sur l’alliance atlantique et sur la dissuasion nucléaire. Sa doctrine nucléaire, à vocation strictement défensive, repose sur deux composantes (sous‑marins lanceurs d’engins et Rafale) et un arsenal de moins de 300 têtes defense.gouv.fr. L’objectif est d’infliger des dommages « absolument inacceptables » à tout agresseur et de prévenir toute ambition visant les intérêts vitaux de la France defense.gouv.fr. Cette posture contribue également à la sécurité de l’ensemble de l’Europe defense.gouv.fr. En cas de conflit majeur, l’article 5 du traité de l’Atlantique nord impliquerait la défense collective de tous les alliés ; la France participerait donc à une coalition beaucoup plus large, incluant les États‑Unis, dont les capacités (tant conventionnelles que nucléaires) restent déterminantes.

Faut‑il envisager une guerre « France contre Russie » ?

Le scénario d’une confrontation bilatérale isolée entre la France et la Russie est peu réaliste pour plusieurs raisons :

  • Format inadapté : les forces françaises actuelles, conçues pour des opérations extérieures limitées, sont trop réduites pour affronter seules une armée qui cherche à atteindre 1,5 million d’hommes. Le général Mandon reconnaît que l’Europe ne pourra se défendre sans renforcer considérablement ses capacités et son industrie d’armement cnews.fr. Le Parlement étudie ainsi une loi de programmation militaire visant à porter le budget à 57,1 milliards d’euros en 2026 cnews.fr et à accroître le format des forces terrestres (équipement, réserves, munitions). Le recours aux réservistes et la remontée en puissance de la « force opérationnelle terrestre » à 77 000 combattants defense.gouv.fr font partie de cette trajectoire.
  • Absence de conscription de masse : la France a suspendu le service national obligatoire en 1997 fr.wikipedia.org. En cas de conflit de haute intensité, un rappel de réservistes et une montée en puissance des effectifs prendraient du temps, et la formation d’une masse « civile » peu préparée serait effectivement périlleuse.
  • Risque d’escalade nucléaire : la doctrine nucléaire française vise à éviter la guerre en rappelant qu’un conflit direct avec une puissance nucléaire pourrait entraîner des destructions catastrophiques. Une guerre frontale avec la Russie dépasserait largement le cadre d’une confrontation terrestre et comporterait un risque d’escalade incontrôlable.
  • Importance de l’alliance : l’OTAN reste le cadre naturel de la défense de l’Europe. L’idée d’une guerre isolée de la France contre la Russie va à l’encontre de la stratégie collective de dissuasion et de défense.

Conclusion

Le général Mandon appelle à reconstruire des forces capables de faire face à un choc dans quelques années cnews.fr et à montrer de la détermination pour dissuader la Russie cnews.fr. Sa déclaration souligne surtout un déficit de moyens accumulé depuis des décennies et la nécessité d’investir massivement. La France ne peut raisonnablement envisager une guerre conventionnelle contre la Russie avec ses seuls moyens actuels. En revanche, en renforçant ses capacités, en coordonnant l’effort de défense européen et en s’appuyant sur la dissuasion nucléaire et l’alliance atlantique, elle peut contribuer à empêcher toute agression. L’objectif n’est pas de mener une guerre, mais de dissuader : montrer que l’Europe, économiquement et démographiquement plus puissante donneesmondiales.com, est prête à se défendre. Cela exige une hausse durable des budgets de défense, une reconstitution des stocks et une réorganisation de l’industrie, mais aussi une volonté politique de maintenir la paix en recourant à la diplomatie et à la prévention des conflits.

Référence : « L’armée française doit être «prête à un choc dans trois, quatre ans» face à la Russie, alerte le chef d’état-major. » Par Le Figaro avec AFP https://www.lefigaro.fr/international/l-armee-francaise-doit-etre-prete-a-un-choc-dans-trois-quatre-ans-face-a-la-russie-alerte-le-chef-d-etat-major-20251022

Europe

Situation sécuritaire en Europe : mise à jour au 20 octobre 2025

Régis Ollivier – Le 21 octobre 2025

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Contexte général

Le conflit entre l’Ukraine et la Russie continue d’évoluer vers une phase plus lourde en ramifications européennes, notamment en matière de défense, de sanctions, de dépendances énergétiques, et de risques d’escalade vers l’OTAN. L’Europe se retrouve à la fois soutien de l’Ukrainecible de menaces russes, et consciente de ses lacunes de défense. Le possible désengagement américain – explicitement évoqué par Donald Trump – alimente une inquiétude croissante dans les capitales européennes.

1️⃣ Renforcement du flanc oriental et des drones

  • Le 16 octobre 2025, la Commission européenne a présenté quatre projets phares de défense destinés à compléter les capacités de l’OTAN, dont la European Drone Defence Initiative et le programme Eastern Flank Watch, pour protéger les frontières orientales et contrer la multiplication des incursions russes.
    Source : Reuters, 16 oct. 2025
  • Le Royaume-Uni a décidé d’autoriser ses troupes à abattre tout drone identifié comme hostile à proximité de bases militaires, signe d’une militarisation progressive du ciel européen.
    Source : The Guardian, 20 oct. 2025
  • Selon l’Institute for the Study of War (ISW), la Russie intensifie ses frappes de drones et missiles de croisière, testant la réactivité et la saturation des défenses européennes.

2️⃣ Soutien européen à l’Ukraine et usage des actifs gelés russes

  • Les dirigeants européens sont sur le point d’adopter un plan de 140 milliards € destiné à l’Ukraine, financé par les avoirs gelés de la Banque centrale de Russie.
    Source : The Guardian, 20 oct. 2025
  • Kaja Kallas, cheffe de la diplomatie européenne, a appelé à des mesures urgentes pour la sécurité énergétiquede l’Ukraine, et à renforcer la traque de la « fleet ombre » russe qui contourne les sanctions pétrolières.
    Source : Reuters, 20 oct. 2025

3️⃣ Tensions transatlantiques et affaiblissement potentiel de l’OTAN

  • Après une rencontre tendue entre Donald Trump et Volodymyr Zelenskyy,
    les dirigeants européens ont publiquement réaffirmé leur soutien à l’Ukraine pour éviter toute rupture de front occidental.
    Source : Financial Times, 18 oct. 2025
  • Cette tension illustre le risque d’un désengagement américain.
    Les déclarations de Trump sur une « OTAN paresseuse » et « inutile » sèment le doute quant à la garantie de défense collective.

4️⃣ Évaluation stratégique pour l’Europe

État de la menace

  • Les attaques hybrides et cyber offensives russes se multiplient sur le territoire européen.
  • Le flanc oriental (Pays baltes, Pologne, Roumanie) demeure la zone la plus vulnérable à un incident militaire direct.
  • L’Ukraine subit une campagne de drones et missiles ciblant son infrastructure énergétique et logistique, avec des répercussions sur la stabilité électrique et économique de l’Europe.

Capacité européenne

  • L’Europe s’est engagée à porter ses dépenses de défense à 5 % du PIB d’ici 2035.
    Plusieurs États (France, Pologne, Finlande) dépassent déjà les 3 %.
  • Le développement de boucliers anti-drones et anti-missiles constitue une priorité à court terme.
    AP News, 16 oct. 2025

Dépendance persistante

  • Les Européens demeurent dépendants des capacités américaines en matière de renseignement, de logistique, et surtout de dissuasion nucléaire.
  • Une réduction du parapluie américain imposerait un effort financier colossal et un changement doctrinal majeur.

5️⃣ Implications géopolitiques

  1. Retour de la dissuasion territoriale : l’Europe réarme massivement mais reste en transition.
  2. Autonomie stratégique : l’UE commence à agir seule — via le drone wall, les investissements SAFE, et le programme ReArm Europe.
  3. Fragilisation de l’axe transatlantique : les positions divergentes sur l’Ukraine et la Russie affaiblissent l’unité de l’OTAN.
  4. Pression sur l’industrie européenne : le besoin d’une base industrielle de défense commune devient vital.
  5. Risque d’incident : la multiplication des interceptions de drones ou d’avions russes au-dessus de la Baltique augmente le risque d’un engrenage militaire non voulu.

6️⃣ Recommandations pour l’Europe

  • Accélérer la mise en œuvre des projets communs (drone-wallair/space shield).
  • Renforcer l’industrie européenne de défense via des commandes groupées et des chaînes d’approvisionnement intégrées.
  • Développer la coopération logistique et opérationnelle entre États membres.
  • Préparer un scénario d’autonomie militaire en cas de retrait partiel ou total des États-Unis.
  • Conditionner l’aide à l’Ukraine à des objectifs stratégiques clairs pour la sécurité européenne.

Conclusion

Au 20 octobre 2025, la guerre est plus que jamais à la porte de l’Europe. Les bruits de bottes se sont transformés en bruits de drones, et les capitales européennes prennent enfin conscience qu’aucun parapluie américain ne saurait remplacer une défense commune efficace.

La question n’est plus de savoir si l’Europe doit se défendre seule, mais dans combien de temps elle en aura réellement les moyens.

Rédigé par : Koios – pour le Colonel Régis Ollivier

© 2025 – Analyse stratégique européenne actualisée au 20 octobre 2025

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Les Fulgurances du Colonel #73 : Le Colonel parle vrai

Illustration IA pour lecolonel.net

Référent d’opinion B2G (Business to Government). Ancien lieutenant-colonel des Troupes de Marine, 43 ans de service dont 25 au sein de la DGSE. J’apporte un regard indépendant et stratégique sur les enjeux de défense, de diplomatie et de souveraineté.

Je ne cherche ni les applaudissements ni les likes. Je cherche à comprendre, à transmettre, à secouer parfois. Le monde se délite, les mots s’usent, les vérités s’effacent : il reste la lucidité, cette arme silencieuse que je n’ai jamais déposée.

Référent d’opinion B2G, j’écris pour celles et ceux qui décident, commandent, conseillent ou doutent. Pour les acteurs publics, les diplomates, les militaires, les esprits libres. J’appartiens à cette espèce en voie d’extinction : celle des hommes qui préfèrent le devoir à la posture, et la vérité au confort du mensonge.

Je ne suis ni un influenceur ni un nostalgique. Je suis le Colonel. Un homme de terrain qui observe le monde depuis plusieurs décennies, avec rigueur, mais toujours dans la bonne humeur.

Le Colonel vous salue bien 🫡

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